

L'hôtel-restaurant Les Orangeries à Lussac-les-Châteaux (Vienne), créé en 1999, s'est positionné dès le début dans un projet global de développement durable et d'éco-conception de ses prestations. L'hôtel, avec des bâtiments rénovés selon les principes de la Haute Qualité Environnementale, a été le 1er en France à être certifié éco-label européen en 2006. En 2009, il s'agrandit et développe en 2010 une offre de restauration bio locavore innovante.
En 2014, 15 ans après sa création, Les Orangeries, 21 chambres et un restaurant pour une équipe de 13 personnes, est élu "International Sustainable Restaurant of the Year" par le SRA, Sustainable Restaurant Association (sur la base de l'audit de 600 restaurants). Témoignage d'Olivia GAUTIER, sa dirigeante.
Un nouvel art de vivre et de travailler "éco-responsable"
Vous avez entrepris dès le début une démarche de développement durable, pouvez-vous nous dire comment ?
A l'origine de la création de l'éco hôtel des orangeries, il y a une maison de famille à Lussac-les-Châteaux et un architecte, mon mari, spécialisé en architecture durable. L'hôtel ouvre ses portes en 1999 après 3 années de rénovation conduite en Haute Qualité Environnementale. 10 ans plus tard, ce sera l'ouverture du restaurant qui a pu intégrer les dernières technologies. Le référentiel de l'écolabel européen Hébergement Touristique nous a servi de guide, avec ses 84 critères sur la gestion de l'énergie, de l'eau, des déchets, des achats éco-responsables, et la sensibilisation. Toute l'équipe s'est investie et nous nous sommes aperçus que ce qui était bon pour l'environnement était aussi bon pour l'homme, ce qui a permis d'entrer dans une vraie logique de management environnemental. Les femmes de chambre, par exemple, ont immédiatement adopté les nouveaux produits d'entretien écologiques, et au passage nous avons pu rayer le risque chimique de notre document unique de sécurité. Nous vérifions chaque jour qu'il est indispensable d'expliquer nos choix à nos clients pour les embarquer dans notre aventure. L'écolabel impose d'ailleurs une sensibilisation. Sur l'eau, nous rappelons via des petits mots encadrés que "si à l'échelle du cosmos, l'eau est plus rare que l'or, seulement 1% de l'eau potable sert de boisson en France". Pour la biodiversité, nous avons lutté pour garder une bande végétale le long de l'hôtel en bord de nationale et avons réuni plus d'un hectare de parc dont un ancien arboretum en centre bourg. Ces jardins sont certifiés en Bio par Ecocert et classés "refuge LPO". De nombreuses espèces y trouvent refuge comme l'hirondelle de fenêtre, le bleuet ou encore le hanneton, sans oublier hérissons et écureuils.
Concrètement, comment cette démarche est-elle mise en au œuvre dans votre activité de restauration ?
L'ouverture du restaurant a marqué une étape importante. Pour être cohérent avec le positionnement de l'hôtel, nous avons voulu devenir "gastro-bio-locavore" comme on nous appelle aujourd'hui. Les cuisines se fournissent majoritairement en bio dans une distance moyenne de 30 kilomètres, à l'exception des produits d'origine incontournables (thé, café, chocolat et épices), et vins français. Nous complétons l'approvisionnement par nos propres potagers, certifiés bio, situés le long de la rivière du village. Ces potagers constituent un ancrage très fort pour le personnel et symbolisent nos valeurs : la nature, l'amour du travail bien fait, l'esprit d'équipe, chacun aidant au désherbage. Placés sous la responsabilité des cuisiniers, ils jouent un rôle pédagogique majeur et un lien très charnel à la terre. Nous y cultivons des variétés anciennes et rares, les aromatiques et les légumes d'été. Nous les travaillons différemment au fil des années, nous orientant de plus en plus vers la permaculture. Au fil des saisons, nous avons pu créer une réelle complicité avec les petits producteurs locaux sélectionnés pour leur démarche de développement durable, pour la plupart en bio. Nous créons nos menus en fonction de ce qu'ils nous donnent. Tout est transformé sur place. Nous sommes d'ailleurs labellisés Maitre Restaurateur, le label officiel du fait maison. C'est un modèle économique fragile : pour respecter les fameux ratios coût matière et coût du personnel, il faut de l'ingéniosité et zéro gaspillage. Mais ces achats en proximité et de saison, livrés à maturité, en circuit court, sans suremballage, offrent une saveur incomparable et un supplément d'âme. Les vins sont naturels (avec levures naturelles et le minimum de sulfites notamment) et les eaux minérales embouteillées ont disparu : nous servons de l'eau microfiltrée, plate ou gazeuses, préparée à partir de l'eau du réseau qui est excellente. Les clients sont parfois surpris par notre carte courte, mais nous sommes cohérents dans notre démarche et ils y sont de plus en plus sensibles . Au plaisir s'ajoute la satisfaction de faire travailler l'économie locale, de donner une alimentation saine, bonne pour la santé et pour l'environnement.
Vous avez aussi investi dans la mesure et la réduction de vos impacts environnementaux ?
Notre première étape a été de réaliser un bilan carbone de l'établissement en 2007 et un diagnostic carbone simplifié de nos fournisseurs de viande, avec l'aide de l'ADEME et de la Région. Puis, nous avons candidaté et été retenus en 2011 pour participer à l'expérimentation nationale sur l'étiquetage environnemental. Nous avons étiqueté l'hôtel avec l'aide du consultant Evéa (avec 2 autres hôtels) et le Restaurant (en solo) avec David Jadaud consultant local (Impact Carbon) et son outil novateur Carbone-Cantine. J'ai d'ailleurs témoigné à l'Assemblée Nationale en 2013 sur cette expérience. Ce travail nous a permis de prouver que le principal impact d'un restaurant est dans le contenu de ses assiettes, d'où la pertinence de notre approche d'étiquetage plat par plat. Cette démarche nous a permis de prendre conscience de l'impact de la viande et des produits laitiers, et de l'enjeu d'aller vers une cuisine plus végétale. Tous les jours, par le choix de ce que nous mangeons, nous pouvons agir. Sur la carte du restaurant, afin d'être incitatif, notre menu végétal est moins cher. Nous continuons à travailler sur la réduction des déchets à la source. Nous trions plus de 8 déchets, dont les biodéchets (ce qui a réduit le volume des poubelles des 2/3), le marc de café, les bouchons en lièges, les bougies.... et luttons contre le gaspillage alimentaire. Nous encourageons aussi l'éco-mobilité avec l'accès en train et nous proposons plusieurs solutions sur place : randonnée, vélos électriques pliables, raid en canoë... Nous avons un projet de séjour en véhicule électrique depuis plusieurs années que nous espérons bien faire aboutir en 2015.
En quoi votre démarche impacte-t-elle les relations avec vos parties prenantes (prospects, clients, fournisseurs, ...) ?
Clients et prospects sont de plus en plus intéressés par la démarche, la motivation étant liée à la prise de conscience. Cela devient même un critère de choix premier pour les entreprises en séminaire qui sont à la recherche de lieux qui portent leurs valeurs, comme pour les futurs mariés. Les échanges autour des questions environnementales sont nombreux, et nos équipes sont très souvent questionnées sur nos pratiques. La certification est perçue comme un gage de qualité et l'assurance du respect des valeurs pour les plus engagés. Dans le contexte de sur-médiatisation actuelle, cela constitue une garantie de plus en plus stratégique. Concernant les fournisseurs, nous avons renouvelé 3/4 d'entre eux. Pionniers dans leur domaine, ils sont pour nous des interlocuteurs très privilégiés. Ils nous forment au bon usage de leurs produits en échange, nous faisons remonter nos retours d'expérience. Cette collaboration permet de créer des liens très forts et durables.
Quels conseils donneriez-vous à d'autres entrepreneurs ?
« Il ne faut pas attendre d'être parfait pour commencer à faire des choses bien » disait l'abbé Pierre. Cette conviction nous a libéré et nous a permis de nous engager avec enthousiasme dans la mutation en cours. La recherche d'amélioration continue a mis l'entreprise dans une dynamique de mouvement, tout faisant progresser au quotidien la qualité de ses prestations client avec une démarche pionnière. Aujourd'hui, nous souhaitons explorer de nouveaux modèles de management, plus systémiques, plus collaboratifs. Notre rêve est de faire de l'entreprise un perma-lieu, un lieu de biodiversité qui favorise la créativité, la diversité, l'agilité, une production durable, tout en respectant le plus possible la nature profonde de chacun....