
NEXTALIM est une jeune entreprise, créée en janvier 2014 et basée à Chasseneuil du Poitou, qui n'a pas fini de surprendre! En effet, pionnier français de la valorisation des biodéchets par l'insecte, cette SAS développe un procédé innovant à l'échelle industrielle de recyclage alimentaire par le biais des larves d'insecte. Réponse écologique et économique aux enjeux de l'économie circulaire, il a valu à l'entreprise de recevoir le trophée Poitou-Charentes du procédé innovant croissance verte. Témoignage de Jean-François KLEINFINGER, son dirigeant.
L'innovation par l'entomoculture
Qu'est-ce qui vous a conduit à innover dans le domaine du développement durable et à créer votre entreprise?
La conviction que nous pourrions répondre à deux enjeux majeurs pour la planète en développant des solutions de proximité ! La raréfaction des protéines tout d'abord : en 2050 nous serons 10 milliards d'êtres humains sur Terre et la FAO estime que la production de protéines devra augmenter de 50%. La pression sur les ressources naturelles s'intensifie et des éco-systèmes entiers sont en danger, je pense notamment à la ressource halieutique. Or, pour éviter la surpêche, on promeut l'aquaculture... Sauf qu'un kilo de poisson d'élevage nécessite 4 kilos de poissons sauvages pour être produit ! Cela m'a donné à réfléchir... Ensuite, second enjeu majeur, le gaspillage : un tiers de la nourriture produite dans le monde ne sera jamais consommée. Outre le problème éthique que cela soulève, c'est une perte économique énorme et une préoccupation écologique. Je suis un passionné de recherche, mais aussi un entrepreneur. Je me suis attaqué à ce défi avec l'intention de montrer qu'on peut faire de l'industrie en France.
Concrètement, quel est le principe de valorisation qui vous développez ?
Nextalim a recherché et trouvé un allié de choix ! Un mouche de l'espèce "black soldier". Ce brave petit soldat travaille pour nous avec une efficacité redoutable. C'est une formidable machine à recycler les déchets : résidus de cantines, fruits et légumes invendus, réduits en bouillie,... il les digère et les transforme en excellent engrais naturel, un fertilisant directement utilisable. Il pourrait même digérer lisiers et fientes. Mais là où il est formidable, c'est qu'il nous procure, à travers ses larves, une remarquable réserve de protéines qui est idéale pour nourrir des animaux d'élevage qui ont, dans leur alimentation naturelle, l'habitude de consommer des insectes : volailles, cochons, et surtout de nombreux poissons qui en sont friands! Les huiles et les protéines présentes dans ces larves peuvent être utilisées pour remplacer des produits comme le soja ou la farine de poisson. D'ailleurs, un de nos investisseurs privés est un fonds de Singapour en pointe dans la recherche de nouvelles protéines.
Quels vont être vos clients et d'autres débouchés sont-ils envisageables ?
En plus des utilisateurs de fertilisants issus de biodéchets, en particulier le secteur de l'agriculture biologique, nous visons bien sûr une clientèle dans le secteur de l'alimentation animale, et c'est pourquoi nous travaillons avec le groupe d'aliments pour les animaux Arrivé-Bellané à Nueil-les-Aubiers. Pour l'instant, nous pouvons commercialiser des produits pour les animaux domestiques, mais les autres animaux d'élevage devront, eux, attendre l'évolution de la législation qui, depuis la crise de la vache folle, a interdit de donner des nourritures d'origine animale aux animaux terrestres. En attendant, nous sommes aussi en plein travail sur de nouveaux débouchés dans le domaine de la chimie verte. Biocarburants, biolubrifiants, bioplastiques, ... ce ne sont pas les possibilités qui manquent. Nous travaillons dans ce domaine avec Valagro. Enfin, nous avons aussi des pistes pour valoriser la chitine, qui sert de mince carapace aux larves commes aux adultes, dans des domaines tels que les films plastiques bio, les pansements, les cosmétiques. En fait, nos petits soldats sont une mine de solutions renouvelables et innovantes.
Quels sont les objectifs de votre démarche et vos perspectives ?
Notre objectif est de nous inscrire dans une démarche d'économie circulaire locale, donc de travailler au maximum avec des acteurs de proximité. Nous avons créé un comité de filière rassemblant les acteurs économiques locaux qui souhaitent voir cette filière se développer sur le territoire : producteurs de déchets (supermarchés, restaurants, industries agroalimentaires,...), partenaires industriels et clients qui pourront utiliser nos différents services et produits. Notre élevage a démarré en novembre 2014. Nous sommes maintenant en phase de terminer les essais techniques et l'année 2016 va marquer le début de l'industrialisation avec, nous l'espèrons, un succès très durable !